page 1

exposition

KONRAD LODER

du 10 janvier au 18 février 2002

"le_site", Galerie des études, ENAD site Limoges

du 15 mars au 19 avril 2002

"Juste, POUR VOIR - DESSIN(S)", BFM - Bibliothèque francophone multimédia, Limoges

  <recto<verso<
 

l

2 = l'un dans l'autre.

La figure du couple est elle-même double. En voici la première occurrence. Deux figures en présence en constituent nécessairement une troisième, celle de la co-présence, c’est-à-dire le rapport de chacune à la présence de l’autre. En ce sens, le couple n’existe jamais vraiment : ou il y a l’unicité de la figure isolée, ou bien, dans la dualité, surgit immédiatement la trinité formée par chacune des figures, plus leur réunion.
C’est cette “réunion”, ou ce couple, cette dualité, qui féconde et menace d’engloutir, dans le même temps, toute représentation de plus d’une figure. Quand apparaît la possibilité d’une telle co-présence, la narration devient possible. La troisième figure, la présence supplémentaire, c’est le verbe. Cependant, ce discours menace toujours de dégénérer en bavardage et d’interdire la stricte représentation. Sans doute est-ce là l’une des motivations initiales du polyptyque : isoler artificiellement les figures afin d’empêcher que n’émerge et se répande, en rhizome, une signification parfois indésirable. L’istoria, qui envahit le champ de la représentation à la fin du Moyen Âge, se nourrit de la pluralité des figures, à tel point qu’elle va jusqu’à provoquer une redite — ou, plus exactement, une revision — de la même figure lorsque le récit le nécessite (pensons, entre maints autres exemples, au Paiement du tribut de Masaccio, où Pierre apparaît par trois fois). À l’inverse, le polyptyque, voire la série, permet ce paradoxe de présenter plusieurs figures à la fois ensemble et isolément (c’est notamment une problématique exprimée à plusieurs reprises par Francis Bacon).Lorsque deux figures sont ensemble, elles entrent en relation, et presque en dialogue, comme si l’occupation d’un même espace suffisait à activer le sens. Une image unique ne peut pas accueillir plus d’une figure sans que ne surgisse du récit, fut-ce sur un mode embryonnaire. Ce qui se passe alors se noue précisément entre les deux figures, se tisse dans l’espace de l’entre-deux, jusqu’à le combler. Il n’y a plus, dès lors, d’insignifiance. Tout détail, tout arrière-plan, tout élément de décor est arraisonné par la narration, sinon instrumentalisé par elle, en vue d’en faire un argument.
Une façon de court-circuiter l’expansion du sens, afin de préserver la possibilité d’existence pour la seule représentation de figures insensées, consiste donc à étouffer le sens, c’est à dire à réduire au maximum son espace vital. En d’autres termes, ce n’est pas l’éloignement des figures qui peut les rendre muettes; au contraire, elles ne font alors que hausser la voix. Ce n’est pas parce que la Vierge et le chancelier Rolin se tiennent étrangement à distance l’un de l’autre, dans le tableau de Van Eyck, qu’une histoire ne se trame pas de l’un à l’autre; une histoire à distance (celle qui rend équivalents un clocher et un doigt), à rebonds (dans les arches) et à rebours (dans le geste de l’enfant Jésus). La figure tierce dont nous parlions au début, l’istoria qui accède à la visibilité, est montrée par Van Eyck sous les traits du Christ, le verbe incarné. Augmenter la distance, donc, ce n’est que donner plus d’espace au déploiement du sens. Si celui-ci peut disparaître, c’est écrasé entre les corps. Que ce soit dans la sexualité ou dans le combat, le contact de la chair avec la chair a ce pouvoir d’étouffer le discours. Un contact de ce type est bien entendu interdit entre le chancelier Rolin et la Vierge (la virginité de Marie est la marque — paradoxale,

Vue partielle de l'exposition"La Guerre des boutons" Galerie on aura tout vu, Paris, 2000

cahier de dessins

http://www.konrad

loder.com/dessins

/cahiers.htm

   
suite