«Sculptures-en-l’Ile 2009», Andrésy, Yvelines

Konrad Loder associe dans son œuvre les procédures complexes issues des sciences du vivant et des modèles informatiques à des modes de production élémentaires fondés sur une économie du peu. Ce « travail » se mène sur le mode du paradoxe et du détournement des usages. Ainsi se donne-t-il comme défi d’appliquer manuellement des procédures supposant une technologie sophistiquée. Il présente dans l’ile Nancy quatre sculptures toutes réalisées avec des crochets en fer galvanisé : « Etamine », « Scolopendre », Sphère » et « Hors service ». Elles sont la singularité d’être à la fois volume et une structure. Elles ont une forme donnée ; mais la nature même de leur mode de production induit leur caractère modulaire et évolutif. Elles portent dans leur gestation les prémisses de son illimitation. Ses matériaux de prédilection proviennent souvent de la construction ou sont des objets récupérés (crochets, capsules, prise d’ordinateur ou d’autre). Il fabrique des volumes qui peuvent évoquer l’abstraction (Sphère) l’univers florale (Etamine) ou animal (Scolopendre). Il peut même mettre en forme ce qui le travail implique de chutes, de déchets et des restes (Hors service). Il y a dans son œuvre une pratique de la récupération et du recyclage : une sorte d’écologie artistique. Il associe une subtilité des calculs et des intuitions, une rigueur du procédé et une pratique quasi maniaque et obsessionnelle. Coexistent chez Konrad Loder un art de la trouvaille, une ingéniosité et un éloge de la gratuité. Au sens d’un acte ou d’une chose qui n’a d’autre fonction que d’étonner, de séduire et de surprendre. C’est une œuvre qui est un manifeste pour une efficacité sans fonctionnalité, une économie du temps libre, une pensé des formes détachées de l’impératif de la productivité. Karim Ghaddab remarquait qu’il est très attentif au modèle biologique, à l’organisation du vivant et à la complexité des réseaux neuronaux ou informatique. Sa sculpture Scolopendre en atteste exemplairement : elle est constituée d’une multitude de petits segments accrochés les un aux autres. Elle évoque les architectures dites « en fil de fer » des modélisations. Cette structure est organisée de telle sort qu’elle apparaît comme le comble de la scolopendre, comme si la spécificité du myriapode était développée à l’extrême, jusqu’à l’absurde, jusqu’à ne bâtir son corps que d’un fourmillement de petites pattes de fer. Elle peut avoir un développement potentiellement infini : cette œuvre est un work in progress infini ».

Philippe Cyroulnik 2009

www.konradloder.com
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